Ce 1er novembre, j’étais invitée à un concert-cérémonie dans le cadre de la Toussaint. Le thème de ce concert était l’amour. Et cet amour a été conté au travers de textes intenses, chanté par des voix tantôt douces, tantôt puissantes, et superbement mis en musique par un orchestre de chambre où joue une de mes nièces. Un très beau moment suspendu empli de belles émotions. Alors que certaines chansons, certains textes clamaient la puissance de l’amour, de quelques mots d’amour, comme le dit Michel Berger dans sa chanson du même nom, d’autres évoquaient la douleur de l’amour interrompu trop vite, la douleur de l’absence, la douleur de n’avoir pas pu ou de n’avoir pas eu le temps, de dire cet amour… Ah la musique, quel beau vecteur, quel magnifique amplificateur, d’émotions !!!
« Des mots doux, c’est mieux qu’un requiem ou qu’un chrysanthème… » P. Fiori
Ce dernier aspect, le fait de ne pas avoir eu le temps de dire notre amour, le fait d’être pris au dépourvu par la vie (ou plutôt par la mort inattendue), m’amène à vous parler d’une chanson qui me donne des frissons à chaque fois que je l’entends, tellement elle me fait vibrer, je veux parler de la chanson « Les gens qu’on aime » chantée par Patrick Fiori et écrite par Jean-Jacques Goldman. C’est tellement beau et juste quand il nous rappelle l’importance de dire aux gens qu’on aime, à quel point ils comptent pour nous, à quel point ils changent nos heures amères en poème. Et quand il nous rappelle que ces mots que nous taisons (et j’ajoute : pour 1001 raisons), il faut les dire avant, tant qu’il est temps, les dire de temps en temps… N’a-t-il pas raison quand il nous dit que des mots doux, c’est mieux qu’un requiem ou qu’un grand chrysanthème ?! Je trouve vraiment cette chanson, qui nous rappelle quelque chose d’essentiel, superbe, un baume pour le cœur. Vous trouverez le lien à la fin de cet article, je vous invite vraiment à aller l’écouter.
Oui, prenons le temps de dire aux gens qu’on aime, qu’on les aime ! Même si, et je sais de quoi je parle, cela n’est pas toujours facile… Voilà qui m’amène tout naturellement à vous partager une page importante de mon histoire, une page qui me porte encore aujourd’hui, 10 ans après les faits. J’en ai parlé dans mon mémoire en Communication relationnelle, rédigé entre 2009 et 2010, et cette page s’appelle Le cadeau…
J’ai vécu avec une mère, j’ai pu dire « au revoir maman »
Lors d’une de ses conférences, Jacques Salomé dit une phrase qui me toucha et m’interpella : « Quand la mère meurt, la maman disparaît à jamais ».
Je suis née dans une ferme dans un contexte très conflictuel. La vie était dure pour mes parents et les soucis étaient très souvent sources de disputes. De plus, ils vivaient chez mes grands-parents, ce qui augmentait les raisons de se disputer ! La relation que j’ai eue avec ma mère, a été, pour autant que je me souvienne, une relation pas évidente, dure, principalement matérielle où il n’y avait pas ou très peu de place pour de l’affectif, voire même pour seulement de l’écoute.
Pourtant le 13 octobre 2008, j’ai écrit les mots suivants : « J’ai vécu 40 ans près d’une mère et aujourd’hui, j’ai pu dire au revoir maman ! »
Vendredi 10 octobre 2008, mon frère m’appelle dans la soirée et me dit : « Maman vient d’être transférée dans le service des soins palliatifs ». Notre maman était à l’hôpital pour un cancer qui s’était généralisé. Les mots soins palliatifs étaient tellement loin de mon jargon habituel, qu’il fallut un certain temps pour que mes neurones se relient et me fassent comprendre que cela voulait dire que la fin approchait à grands pas… Après avoir raccroché, j’étais à la fois choquée et perdue.
Le lendemain, j’avais normalement une journée de formation en Communication relationnelle avec ma formatrice de cette époque, Martine L. Ça se bousculait en moi : d’une part mon mental me disait : « Tu ne vas pas à ta formation et tu vas directement à l’hôpital » et d’autre part, une petite voix, qui venait de l’intérieur, me disait : « Tu vas à ta formation le matin et tu vas à l’hôpital l’après-midi… ». Je sentais que cette petite voix savait pourquoi elle me disait cela, je l’ai donc écoutée, confiante que l’après-midi serait un moment parfait pour aller voir maman.
A l’atelier, j’explique ce que je vis et je demande à faire un exercice relationnel : me préparer à dire au revoir à maman ! Ma formatrice et mes collègues savaient que c’était pour moi une relation très compliquée, dans laquelle le mot amour n’avait pas vraiment de place. Tout le monde avait bien compris l’urgence de la situation ainsi que mon intention de ne rester que le matin à la formation. Ce fut donc très vite à mon tour de faire mon exercice ou plutôt mes deux exercices…
Tout d’abord, lors du premier exercice, alors que j’exprimais un ressenti de « non-amour » dans ma relation à ma mère et que j’avais du mal à trouver des preuves d’amour à mon égard, il me revint, après un long silence, un évènement important où se trouvait une belle preuve d’amour pour moi !
NB : Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : cela ne voulait pas dire que ma mère ne m’aimait pas, non, c’est juste que moi, avec mon regard, mon ressenti, dans cette relation très compliquée, dans cette vie très dure, je ne voyais, ne ressentais aucune preuve d’amour. Je sais qu’elle m’a aimée à sa façon et je sais aussi qu’elle n’avait jamais appris à le montrer, à l’exprimer. C’était comme ça, les sentiments, quels qu’ils soient, ça ne se montrait pas !
Donc il me revint l’évènement suivant : quand j’avais 19 ans, nous avons été agressés, mes parents et moi, dans notre maison un soir, par des hommes cagoulés et armés. Et quand un de ces hommes m’a menacée de son arme, ma mère lui a crié en se mettant devant moi : « Laissez-la, prenez-moi à sa place mais laissez-la partir » !
J’entends encore ma formatrice me dire à ce moment-là : « Ben non, c’est vrai que ça, ce n’est pas une preuve d’amour… » Je lui suis encore aujourd’hui d’une immense reconnaissance de m’avoir aidée à faire émerger cette preuve d’amour que, seule, je ne trouvais pas.
Imprégnée de ce « non-amour » cependant, j’étais incapable de manifester de l’amour, voire de la tendresse à ma mère… et elle allait partir… à jamais.
C’est pourquoi ma formatrice m’a demandé de faire un deuxième exercice : elle m’a demandé de faire le tour du cercle et, à voix haute, de dire le prénom de chacune suivi des mots : « Je t’aime » !!! Je l’ai regardée et je lui ai dit qu’elle me demandait l’impossible ! Ce sont des mots que j’ai déjà énormément de mal à dire à mes très proches (probablement parce que je ne les ai jamais entendus de mes parents qui eux-mêmes ne les ont jamais entendus des leurs, etc., etc. Disons que ça ne semble pas être dans nos gênes !), mais alors, les dire à des amies ou connaissances… autant vous dire qu’il y a eu un grand blanc, un silence, rien qui sortait. Et ma formatrice, imperturbable, sans aucun signe d’impatience, attendait calmement, simplement. Après je ne sais pas combien de temps, je me suis littéralement « arraché » ces mots de ma bouche, une fois, deux fois, trois fois…. Jusqu’avoir fait tout le tour !!! Cela m’a coûté un effort surhumain et je l’ai fait !
Dans le courant de l’après-midi de cette même journée, je suis donc allée à l’hôpital, dans le service des soins palliatifs où se trouvait maman. Elle était dans un semi-coma. Les infirmières m’ont expliqué qu’elle entendait tout ce qu’on disait et que sa manière de répondre, c’était par un clignement des paupières. Elle dormait, le visage serein (ce qui changeait du visage crispé par la douleur que nous avions l’habitude de voir depuis qu’elle était à l’hôpital). Elle était toute belle, installée dans le plus grand confort possible. Il y avait même de la musique classique dans la chambre ! Je lui ai parlé et j’ai pu lui dire des mots comme : « Merci. Merci pour ce que je suis. Va en paix… ». J’ai même pu lui dire ces fameux mots que j’avais répétés une douzaine de fois le matin-même : « Je t’aime » (chose totalement inimaginable, inconcevable pour moi, encore quelques heures plus tôt !). Et je sais qu’elle m’a entendue car elle a cligné des yeux juste après que j’aie parlé. J’ai encore des frissons en écrivant ces lignes…
L’impossible à mes yeux est devenu possible. J’ai même pu prendre ses mains dans mes mains, je me suis appuyée sur son épaule. Je pouvais la toucher, chose que j’étais incapable de faire jusqu’alors… Ma formatrice nous avait justement expliqué le matin, que le toucher était la clé de l’ouverture du cœur. Je me sentais connectée à l’énergie du matin, à l’énergie du groupe et cela me portait, me donnait la force, l’énergie dont j’avais besoin.
Des moments réparateurs de toute une vie et porteurs pour toute la vie…
Maman est partie le surlendemain. Nous étions là, mon frère, ma fille et moi-même. Je lui ai parlé, elle a cligné des yeux et elle s’en est allée ! Nous étions là pour lui souhaiter Bon voyage. C’était triste et émouvant bien sûr et en même temps, je me sentais apaisée d’avoir pu lui dire toutes ces choses que je lui avais dites. J’étais sincère en lui disant dans mes pensées : « Pars en paix ». Je considère le fait de nous avoir permis d’être présents au moment où elle s’en est allée, comme un cadeau… Pour moi, c’est comme si elle m’avait dit : « Merci ! Maintenant je peux partir tranquille ». C’est vraiment ce que j’ai ressenti.
Voilà comment, après avoir vécu avec une mère, j’ai pu dire au revoir à ma maman !!! J’ai écrit à ce moment-là : « Je viens de vivre des moments réparateurs de toute une vie et porteurs pour toute la vie !!! Je suis dans un Merci sans borne ».
La chance, le coup de bol, on peut les aider !
Ce que je croyais impossible a été rendu possible. Car je suis consciente qu’il a fallu toutes ces circonstances bien particulières pour que cela soit : l’atelier du matin avec la preuve d’amour enfin trouvée, la répétition des mots : Je t’aime, le semi-coma, le fait qu’elle était toute belle, le visage serein, qu’elle sentait bon la rose, etc… Oui, il a fallu tout ça et il s’est passé tout ça, pour que je puisse vivre ce moment de grâce et dire à ma maman, ces trois mots si simples, si beaux, si profonds, si intenses, si intimes et parfois si durs à dire, que sont les mots : « Je t’aime ». Cela fait 10 ans que cela s’est passé et je ressens toujours la même force et la même gratitude d’avoir pu vivre cela !
Quand je dis que c’est important de dire aux gens qu’on aime, qu’on les aime, j’en ai mesuré l’impact ce jour-là ! Je sais aussi que ce n’est pas toujours facile, que cela paraît même parfois impossible pour 1001 raisons. On pourrait se dire que j’ai eu de la chance, que c’est un coup de bol que tout ça s’est passé comme cela ! Moi, je pense que la chance, le coup de bol, on peut les aider ! Et même si, dans certains cas, cela demande un travail relationnel, un véritable nettoyage relationnel, comme on dit dans notre jargon, cela n’a pas de prix au final.
Personnellement, j’avais déjà fait d’autres choses pour nettoyer ma relation avec ma mère avant ce que je viens de vous raconter. Et j’ai continué encore après son départ. Car j’ai assez vite compris, que ces moments de grâce, si beaux soient-ils, ne m’épargneraient pas, malgré tout, de devoir faire le deuil de la « maman » que je n’avais pas eue et que je n’aurai donc jamais ! Jacques Salomé avait bien dit : « Quand la mère meurt, la maman disparaît à jamais »… Je me suis donc occupée de cela. Cela m’a pris un peu de temps mais finalement pas tellement. Maintenant je peux dire que je ne ressens plus que de l’amour et de la gratitude quand je pense à elle.
On peut même faire des choses de manière symbolique…
On peut même faire des choses de manière symbolique dans un premier temps quand cela nous paraît tellement inimaginable dans le réel… Jacques Salomé nous avait partagé, je me souviens, l’exemple d’une personne pour qui toute communication avec sa fille avait été interrompue et était devenue impossible et qui en avait le cœur déchiré. Et il nous a raconté que cette personne, pour garder espoir et pour prendre soin de son grand amour pour sa fille, lui écrivait des lettres de manière très régulière, et qu’ensuite, puisqu’elle savait que ses lettres n’arriveraient pas jusqu’à sa fille, elle les gardait précieusement dans une boîte. Un jour, sa fille a ouvert la boîte et a pu lire les lettres…
Et quand c’est vraiment difficile d’exprimer notre amour avec des mots, pour plein de raisons qui nous appartiennent, on peut commencer par des petites attentions, subtiles, délicates, qui sont à elles seules, des mots doux, juste exprimés d’une autre manière… Imaginez que vous vous levez le matin, que votre amoureux est déjà parti, et que vous trouvez du café tout frais sur la table, alors que lui boit du thé, n’est-ce pas une de ces petites attentions subtiles, délicates, équivalant à un petit mot doux ?
Ne peut-on pas également utiliser des poèmes ou des chansons existantes qui disent ce qu’on voudrait dire encore mieux qu’on ne le ferait soi-même ?… J’ai visionné récemment une émission sur le chanteur Francis Cabrel et quand on prend la peine d’écouter les paroles de certaines de ses chansons, comme par exemple « Je l’aime à mourir » ou « L’encre de tes yeux » ou encore « Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai », c’est de l’orfèvrerie, de la dentelle, tellement c’est joliment dit, tellement c’est beau, tout en étant simple. Ne nous privons pas d’emprunter d’aussi beaux textes, s’ils peuvent nous aider à exprimer notre amour à ceux qu’on aime.
« J’aurais voulu avoir eu le courage d’exprimer mes sentiments… »
Savez-vous qu’un des cinq regrets les plus fréquents chez les personnes en fin de vie, c’est le regret de ne pas avoir eu le courage d’exprimer ses sentiments ? Que ce soit pour dire aux gens qu’on les aime ou pour s’exprimer en toute franchise, dans les deux cas, la majorité des personnes ont du mal à exprimer leurs sentiments. Et c’est quelque chose qu’on ne nous apprend pas vraiment, à part dans des formations spécifiques, comme la Communication relationnelle par exemple. Dans cet article, je vais me concentrer uniquement sur le thème de l’expression de nos sentiments d’amour. En ce qui concerne, l’expression de nos sentiments, de nos émotions plus inconfortables comme la colère, la tristesse…, cela sera l’objet d’un autre article.
Prenons donc les devants concernant ce regret qu’ont certains de ne pas avoir dit ou montré leur amour à un proche avant qu’il soit trop tard ! Cela me fait penser à une autre très belle chanson, plus ancienne celle-ci, mais oh combien touchante. Je veux parler de la chanson « Mon vieux » de Daniel Guichard. Souvenez-vous, ça se termine ainsi : « Dire que j’ai passé des années, à côté de lui, sans le regarder, on a à peine ouvert les yeux, nous deux. J’aurais pu, c’était pas malin, faire avec lui, un bout de chemin, ça l’aurait peut-être rendu heureux, mon vieux. Mais quand on a juste quinze ans, on n’a pas le cœur assez grand, pour y loger toutes ces choses-là, tu vois. Maintenant qu’il est loin d’ici, en pensant à tout ça, je me dis : j’aimerais bien qu’il soit près de moi, Papa. »
En fait, cette chanson me fait penser un peu à mon histoire avec mon papa. Mais ça, c’est une autre histoire, tout aussi belle, in fine, que je raconterai probablement également un jour… Je voudrais juste que vous sachiez déjà qu’en faisant des choses pour moi, des actes symboliques dans le cadre de ma relation avec lui, alors qu’il était décédé, cela m’a permis de finalement, après quelques années, me sentir en paix et ressentir de l’amour, alors que j’étais loin de ça quand il s’en est allé inopinément… A suivre.
Apprenons peut-être de nos jeunes…
Quand je vois avec quelle facilité certains jeunes, plutôt des filles me semble-t-il, ponctuent leurs messages d’un « Je t’aime » à la fin, et pas forcément adressé à un amoureux mais aussi à un proche, simplement très proche, à qui elles veulent juste dire : « Tu comptes beaucoup pour moi », je me sens à la fois admirative, voire envieuse et aussi désarmée, moi qui, comme vous l’avez compris, fais partie des personnes qui ont tant de mal à dire ces trois mots, si simples, si beaux, si intimes. Peut-être que nous pouvons nous inspirer d’eux…
Maintenant à vous, je vous invite à exprimer votre amour à minimum deux personnes que vous aimez, aujourd’hui, que ce soit par un geste, une attention, un mot, un texto, un poème, une chanson… Oui, dites aux gens que vous aimez, que vous les aimez, et comme le dit Patrick Fiori : « Faites-le avant, faites-le de temps en temps » ! Et si vous n’y arrivez pas seul, demandez de l’aide. Ça n’a pas de prix.
Prenez soin de vous !
Je vous aime… (c’est déjà plus facile à dire au pluriel 😉 )
Avec joie, passion et énormément de gratitude,
Marie-Véronique Delhalle
Positive Coach, révélatrice des priorités de Vie
également formatrice en Communication Relationnelle, méthode ESPERE, de Jacques Salomé
Lien vers la chanson « Les gens qu’on aime »
Lien vers la chanson « Mon vieux »
Extraits des paroles de la chanson « Les gens qu’on aime » (Patrick Fiori), tirée de l’album ‘Promesse’, que je vous recommande vraiment :
(NB: Je suis toute excitée car je vais pouvoir entendre et voir cette chanson – et plein d’autres – en life ce 15 décembre à Bxl !!! J’ai trop hâte…)
(…)
On veut toujours attendre la prochaine,
Remettre au lendemain
C’est bien plus simple d’émettre des haines
Bien anonyme, tapi dans son coin
Et coulent nos vies, et l’eau des fontaines
L’avide quotidien
Et passent les jours, et puis les semaines, bambadabada
(…)
On devrait dire aux gens quand on les aime
Trouver les phrases, trouver le temps
Qu’ils changent nos heures amères en poème
On devrait tout se dire avant
Il faut le dire aux gens quand on les aime
Comme ils comptent pour nous chaque instant
Des mots doux c’est mieux qu’un beau requiem
Et tant qu’on est là, bien vivants
Tout se dire tant qu’il est temps…